Archives de mot-clé : L’Acadie Nouvelle

Une démocratie vigoureuse est féminine

La chronique inaugurale de Stéphanie Chouinard (« Le Boys’ Club », 27 août) dresse un tableau peu reluisant de la place des femmes en politique néo-brunswickoise. Elle expose quelques faits inquiétants et nous incite à y réfléchir davantage. La question est fondamentale. En quoi la présence accrue des femmes et l’exercice véritable du pouvoir par les femmes sont-ils bénéfiques en politique?

Les réponses tiennent à la nature même de la démocratie. Dit autrement, la participation effective des femmes améliore tant la joute politique que les politiques publiques qui en résultent.

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La femme acadienne à l’ombre d’Évangéline

Cette image « traditionnelle », pure et passive, que l’on a attribuée à Évangéline ne peut être dissociée d’une vision de l’histoire racontée principalement par les hommes.

Il ne fait nul doute que le mythe fondateur de l’Acadie trouve son origine dans le célèbre poème de Longfellow Evangeline: A Tale of Acadie publié en 1847. Le succès, largement assuré par l’admiration du public américain, ne passe pas inaperçu en Acadie des Maritimes. Un réveil, ou ce qui fut désigné comme la Renaissance acadienne, s’ensuit et culmine dans une série de conventions nationales où les symboles nationaux sont entérinés par les Acadiens.

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La disparition du civisme au Nouveau-Brunswick

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La politique au Nouveau-Brunswick se définit de plus en plus par son manque de civisme. Cela est d’autant plus surprenant que les Acadiens et les gens des Maritimes sont reconnus comme étant chaleureux et accueillants. Qu’est-ce qui se passe? Comment expliquer toute l’animosité linguistique et la croyance que le bilinguisme officiel soit contraire à la saine gestion des fonds publics?

En l’absence de données probantes, il est difficile d’évaluer l’ampleur du mécontentement des Néo-Brunswickois. On comprend difficilement ce qui alimente ces chicanes acrimonieuses. Depuis les élections en automne 2018, les questions linguistiques ne cessent de diviser la population.

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Délicieux Fric-Opéra rock acadien

La caravane acadienne des Hôtesses d’Hilaire est arrivée sur les capes de roues à l’Impérial Bell de Québec le 15 novembre dernier. Une seule représentation de leur opéra Rock « Viens avec moi » et ils repartent déjà pour l’Acadie. Les critiques québécoises, déjà élogieuses y voient Star Mania. À vrai dire, il s’agit plutôt d’un Fric-Opéra Rock, servi à l’acadienne.

Tel un bon fricot acadien, cet Opéra-Rock est un savant mélange des meilleurs ingrédients du terroir acadien. Ce mets typique nous rappelle les racines mais reste intemporel. Ce fric-opéra fut savamment brassé et assaisonné par un Serge Brideau, fidèle à lui-même mais moins débridé qu’à l’habitude.

Car si la plume et l’originalité de Brideau bat la mesure de ce spectacle théatro-musical, sa présence s’est quand même faite discrète. Tel un Raymond Bourque, le fabriquant de jeu par excellence, Brideau a alimenté des artistes autour de lui. Il leur a laissé une place pour s’illustrer à l’avant-scène : et tous étaient à la hauteur.

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L’Acadien indépendantiste s’éteint

Bernard Landry était un homme de contraste et non de contradictions. Il fut un homme doté d’une personnalité politique d’envergure. Il avait une érudition indéniable et une compassion typiquement québécoise et défendait inlassablement une idée du 19e siècle (état-nation) tout en étant internationaliste. Il voulait humaniser l’économie et faire du Québec un pays.

Un homme fier de ses origines acadiennes en Nouvelle-Acadie est devenu l’un des plus grands penseur-praticien de l’indépendantisme québécois. Il a décrit, du même souffle, le traumatisme de la Déportation acadienne et la perte référendaire québécoise de 1995 comme étant chacune une infamie.

Les sécessionnistes du Québec perdent l’un de leurs canons. Une génération disparaît. Les hommes et les femmes qui ont côtoyé René Lévesque et porté son rêve à bout de bras disparaissent peu à peu. Cette perte titanesque du patriote Landry laisse un gouffre d’idée et d’action pour les indépendantistes d’aujourd’hui.


L’Acadien indépendantiste s’éteint

Mon Opinion

L’Acadie Nouvelle, 7 novembre 2018

Devoirs partisans et prisme linguistique au Nouveau-Brunswick

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Le dépouillement judiciaire dans deux circonscriptions du Nouveau-Brunswick semble confirmer l’équilibre des forces partisanes en vue de la prochaine Assemblée législative. Néanmoins, on ne sait toujours pas quel parti pourra effectivement gouverner à terme. Les attentes sont grandes et les défis connus : les finances publiques, le déclin démographique, l’environnement, etc. Mais au strict regard de la dualité linguistique, quels engagements et actions politiques auraient tendance à calmer le jeu?

Le fait d’analyser le paysage politique du Nouveau-Brunswick uniquement à travers le prisme de la dualité linguistique donne une série de devoirs pour chacun des partis politiques.

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Le discours de la division linguistique

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Pour une nième fois, la langue s’est odieusement ingérée dans les élections provinciales au Nouveau-Brunswick. La véritable question n’est pas de savoir si les Néo-Brunwickois sont retranchés dans deux camps linguistiques diamétralement opposés, mais plutôt dans quelle mesure les politiques et discours sur la langue respectent la minorité acadienne tout en traçant des voies d’avenir communes.

Les véritables intentions des unilingues anglophones, nouvellement élus, ne sont pas pleinement connues pour l’instant mais certains discours électoraux étaient carrément incendiaires, du moins pour les francophones. La controverse entourant l’organisation d’un débat des chefs en français, qui n’aurait eu lieu n’eut été l’intervention d’organismes acadiens, ne fait que confirmer l’aliénation grandissante des francophones.

La façon dont le gouvernement minoritaire, libéral ou même conservateur, va traiter la question linguistique dans un avenir rapproché reste nébuleuse. Il y a des leçons et des principes fondamentaux dont il faut tenir compte.

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Je suis right confused

Les jeunes sont réputés pour remettre en question les idées reçues et les façons de faire des générations qui les ont précédées.

Il est en de même en Acadie qui s’est enflammée pour et contre le slogan « right fier » des Jeux de la francophonie canadienne tenus à Dieppe-Moncton. Les médias et les francophones majoritaires d’en dehors de l’Acadie se sont même mis de la partie. Continuer la lecture de Je suis right confused

La femme acadienne à l’ombre d’Évangéline

Cette image «traditionnelle», pure et passive, que l’on a attribuée à Évangéline ne peut être dissociée d’une vision de l’histoire racontée principalement par des hommes.

Il ne fait nul doute que le mythe fondateur de l’Acadie trouve son origine dans le célèbre poème de Longfellow Evangeline: A Tale of Acadie publié en 1847. Le succès, largement assuré par l’admiration du public américain, ne passe pas inaperçu en Acadie des Maritimes. Un réveil, ou ce qui fut désigné comme la Renaissance acadienne, s’ensuit et culmine dans une série de conventions nationales où les symboles nationaux sont entérinés par les Acadiens.
L’emprise du territoire oblige, le processus d’affirmation fut bien différent pour les Cajuns de la Louisiane. Le poème de Longfellow séduit non seulement la critique; il intéresse Hollywood. Une des plus grandes stars du moment, Dolores del Río, interprétera le personnage titre dans un film en 1929. Ce n’est pas peu dire: imaginez si Selma Hayek ou Angelina Jolie interprétait la Sagouine sur Broadway! Les Cajuns tirent profit de cette popularité et se «réveillent» à leur tour. Un historien de renom caractérise ainsi le mythe d’Évangéline pour l’Acadiana:

«De plus, il y a de bonnes raisons pour lesquelles l’icône de la Renaissance acadienne serait féminine. Telles les images publicitaires modernes, la version idéalisée des « filles » acadiennes est figée dans le temps, offrant apparemment un refuge aux traditions face à l’inéluctable marche vers le progrès. Cet assemblage de costumes traditionnels et les objets domestiques, tels les rouets, évoquent les valeurs ancestrales de la famille, la communauté et l’héritage qui ont fait en sorte que les Acadiens et d’autres ont pu s’approprier les traditions au même moment où elles disparaissaient. De plus, aucune figure mythique masculine n’aurait pu évoquer une image aussi romantique que celle des « Évangéline ». Les hommes qui n’ont pas le pouvoir de protéger leur famille, comme les patriarches acadiens qui furent expulsés de la Nouvelle-Écosse, peuvent difficilement devenir des figures mythiques. Mais une héroïne romantique telle Évangéline, confrontée à des événements historiques hors de son contrôle, a effectivement démontré sa vertu féminine par sa victimisation à la suite de l’expulsion des Acadiens. C’est ainsi qu’elle – bien mieux qu’une quelconque figure masculine – a pu devenir le mythe rassembleur de tous les Acadiens.»

(traduction libre) W. Fitzhugh Brundage. (2008), Le Reveil de la Louisiane: Memory and Acadian Identity, 1920-1960) dans The New South, par J. William Harris, Routledge.
Il est vrai que l’Acadie au Canada et celle des Bayous ont grandement bénéficié de la contribution notoire des femmes. Contrairement à ce qu’avance l’auteur, ce n’est pas tellement l’image «traditionnelle» qui a valu à Évangeline d’être érigée en figure mythique pour l’Acadie. C’est plutôt son ancrage à la réalité coloniale qui a suivi la Déportation qui a pu faire d’Évangeline la figure de proue du mouvement national en Acadie, particulièrement aux Maritimes.
Nous pensons surtout au rôle vital qu’ont joué maintes femmes acadiennes, trop souvent restées dans l’ombre du récit national. Celui-ci fut principalement porté par les hommes et l’élite cléricale acadienne, qui a accentué ses vertus virginales, à l’image de la Sainte patronne des Acadiens.
   Évangéline: la victime
Pour les Acadiens déportés qui ont pu errer des décennies avant de trouver refuge en Louisiane, la victimisation d’Évangéline fait partie du mythe. Les «Évangeline girls» des années 1930 étaient les plus belles filles dans la tradition des beauty pageants américains. Ces Évangéline en toute chair étaient dorées d’accoutrements traditionnels propres à l’image que l’on se faisait lors de la femme coloniale, soit une matrone confinée au foyer. Un excellent article de Fendler et Vatter trace les deux voies distinctes du mythe acadien autour d’Évangéline. Il est possible que les Acadien des Maritimes, dont les plus influents, admiraient Évangéline pour sa beauté passive. Je doute fortement qu’ils vantaient ses qualités de victime. Un peuple meurtri se doit de survivre.
Évangeline fut une figure tragique qui a donné à l’Acadie son mythe fondateur. Cependant, ce n’est pas tellement ses qualités prétendument traditionnelles ou virginales qui lui donnent toute sa force. Ce qui résonne au sein de la population est son courage et sa persévérance qui lui ont permis de surmonter la Déportation.
   Histoire: femmes et clergé
Cette image «traditionnelle», pure et passive, que l’on a attribuée à Évangéline ne peut être dissociée d’une vision de l’histoire racontée principalement par des hommes. L’association, voire la symbiose, entre Évangéline et le discours tenu par l’Église ne fut pas si difficile à tisser. La racine étymologique d’Évangéline se réfère à l’Évangile, à la bonne parole de Dieu. Les Acadiens choisirent aussi l’Assomption comme jour de fête nationale. Aurait-on pu s’attendre autrement d’un peuple qui s’est donné la Vierge Marie comme Sainte patronne?
Je ne veux aucunement prendre à partie le clergé ou minimiser son immense contribution à l’histoire nationale acadienne. L’apport de monseigneur Marcel-François Richard à la fin du XIXe siècle ou celle de père Clément Cormier, qui a siégé à la commission Laurendeau Dunton, est monumental. Le clergé a effectivement façonné le développement national acadien. Et même aujourd’hui, l’Acadie ne semble pas avoir le même sentiment anticlérical au sein de l’élite ou de la société que l’on observe au Québec, par exemple.
Il faut se rappeler aussi que la position dominante des hommes et du clergé a fait en sorte que nous avons sous-estimé le rôle concret, vital et même «fondationnel» que les femmes acadiennes ont joué à l’époque coloniale et par la suite. La femme acadienne du XVIIIe ou du XIXe siècle a joué un rôle plus important au développement national que celui, par exemple, d’un gérant de caisse populaire ou d’un homme d’affaires au XXe siècle. C’est le moins qu’on puisse dire d’une femme qui a donné naissance à une dizaine d’enfants, qui a tissé des vêtements de lin, qui a labouré les champs, qui a tenu foyer, qui a lavé la maison, qui a nourri la famille malgré le fait que le mari fut absent ou déporté. A bien des égards, la femme était, dans les faits, à la tête de la famille acadienne coloniale. Et qui veillait aux accouchements? Que dire des institutrices acadiennes dans la construction nationale? Qu’on veuille le reconnaître ou non, l’ouvrage de la femme était bien plus vital pour l’Acadie justement à cause de la fragilité acadienne qui se remettait du Grand Dérangement.
   La persistance du mythe
La qualité la plus admirable d’Évangéline, et ce qui a pu faire d’elle l’héroïne nationale, ne se retrouve pas uniquement dans sa piété ou dans une représentation catholique du monde. Si les Acadiens ont pu célébrer le courage d’Évangéline pendant plus d’un siècle, c’est probablement aussi pour sa ténacité. Sa détermination inébranlable à trouver Gabriel nous semble refléter l’étoffe dont furent faites nos ancêtres acadiennes. Cette force intérieure est aussi à l’image du rôle indispensable qu’a joué et que continu de jouer la femme aujourd’hui. Paradoxalement, le travail vital de la femme n’est pas toujours reconnu à sa juste valeur.
Il faut se rappeler que ce ne fut que les hommes qui furent rassemblés à l’église de Grand-Pré ce funeste jour de septembre en 1755. Si l’Acadie a pu survivre cette tentative de génocide culturel à peine voilée, nous le devons à nos ancêtres acadiennes. Ce sont elles qui, contre toute attente, ont démontré leur courage alors que leurs pères, leurs maris, leurs frères ou leurs fils partirent en guerre ou embarquèrent sur les navires sans jamais revenir.


Publié dans L’Acadie Nouvelle

La femme acadienne à l’ombre d’Évangéline

Commentaire   le vendredi 12 avril 2013